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Guillaume Gomez, cuisiner et transmettre sa passion…

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Cela fait 17 ans que Guillaume Gomez est dans les cuisines de l’Elysée. Depuis six mois, il est devenu chef des cuisines de la Présidence de la République où il dirige une brigade d’une vingtaine de personne. Du coup, quand on discute avec lui, le « on » prend souvent le pas sur le « je ».

© Pascal Segrette
© Pascal Segrette

Interrogé dans son bureau qui donne sur la cuisine principale, le chef aborde à plusieurs reprises le devoir de faire « à manger » aux grands de ce monde. Evoquant quelques mentors comme Johny Bénariac, Jacques Le Divellec ou Joël Normand, le parrain de la Fête de la Gastronomie a clairement la passion de la transmission. Le cuisinier globe-trotter reste confronté au poids du passé et participe chaque jour à l’évolution du monde gastronomique, avec la routine érigée en pire ennemie.

« Depuis que je suis gamin, je ne me souviens même plus, depuis quand ni pourquoi, j’ai toujours voulu être cuisinier. Je n’ai personne dans ma famille qui était cuisinier. J’ai une photo de moi à 4 ans où je suis à une fête d’école et je suis déjà déguisé en cuisinier. » Né de parents brocanteurs du 20èmearrondissement de Paris, Guillaume Gomez a toujours été soutenu dans sa carrière. « J’avais des bons résultats scolaires et je suis parti en apprentissage contre l’avis du corps professoral ».

Malgré l’ambition, celui-ci manque de pratique : « A 14 ans lorsque je suis rentré en cuisine je ne savais presque rien faire. » Il pense à certains chefs qui « ont toujours des madeleines de Proust », lui pas du tout. « Je n’avais jamais fait de foie gras, j’avais jamais vu de truffe et on n’allait pas au restaurant toutes les semaines. Je n’avais pas du tout cette culture ni cette éducation. J’ai appris et découvert la cuisine comme métier quand je suis rentré en apprentissage ».C’est à l’Ecole de Paris des Métiers de la Table (EPMT) à Paris qu’il effectue un BEP hôtelier. « C’est un examen qui n’existe plus qui rassemblait de la cuisine, de la salle, de la pâtisserie, de l’œnologie et un peu d’hébergement donc c’était très complet. »

« La chance que j’ai eu c’est de tomber sur un vrai bon patron d’apprentissage qui m’a fait aimer ce métier au-delà de m’apprendre des recettes. » Cet homme c’est Johny Benariac, encore patron à ce jour du Traversière dans le 12ème arrondissement de Paris : « Il avait travaillé au Plaza Athénée, dans des beaux hôtels… Il avait un cursus très classique mais avec une touche de modernité ».

© Ricard / Minefi
© Ricard / Minefi

Guillaume Gomez rentre à l’Elysée en 1997 pour y faire son service national grâce à son patron Jacques Le Divellec qui « connaissait très bien Joël Normand parce que le président Mitterrand mangeait très souvent au restaurant ». Joël Normand était alors le chef des cuisines de l’Elysée, la fonction qu’occupe Guillaume Gomez depuis plus de six mois. L’ambiance de la cuisine était très particulière. « Ici on n’avait pas de routine parce qu’il y avait des chefs qui venaient de tous les horizons toujours en train de s’échanger des recettes et des techniques. Comme si j’avais fait des stages dans les plus grandes maisons de France ».

La carrière de Guillaume Gomez prend un tournant décisif quand celui gagne le concours de Meilleur Ouvrier de France en 2004 à « 25 ans et quelques mois ». Il ajoute avec une pointe de fierté : « je suis le plus jeune de l’histoire en cuisine ». Poussé par Joël Normand, il crée un engouement pour les concours de cuisine au sein de la brigade.« Le concours de Meilleur Ouvrier de France, ce n’est ni un aboutissement ni une finalité, c’est une étape dans un parcours professionnel ». Jugé par un jury composé de ses pairs, le candidat doit réaliser un chef-d’œuvre dans le temps imparti et avec des matériaux donnés, quelle que soit la discipline. « Ça reste malgré tout un concours, même si c’est le plus prestigieux et le plus reconnu aujourd’hui, on ne le passe pas par hasard ».

En ce qui concerne sa réussite, il n’a pas d’explication particulière : « J’étais le plus jeune des 650 candidats. J’ai déjà franchi une très belle étape en me retrouvant en finale ». Il relativise également sur son âge au moment du concours : « Nos journées de cuisine n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui. Il me faudrait plus de 20 ans pour avoir la même expérience et la même capacité technique ».

© Pascal Segrette
© Pascal Segrette

« Je travaille pour la République Française, pour le palais de l’Elysée. Les personnalités qui viennent gouter et déguster notre cuisine sont les invités de la République Française. Comme tous mes collègues dans les institutions, on est là pour donner du plaisir aux gens. » Guillaume Gomez connait bien ce monde puisqu’il est président de l’Association des Cuisiniers de la République : « C’est une association qui rassemble les pâtissiers et les cuisiniers qui travaillent pour l’Etat français : les ministères, les ambassades, les consulats, les préfectures, les conseils généraux, régionaux, les mairies…»

Travailler à l’Elysée, « ce n’est pas de la restauration collective au sens où on pourrait l’entendre. On a vraiment tout type de restauration. Le panel de produits et de travaux que l’on va nous demander est très riche et très varié. C’est ce qui fait que l’on n’a aucune routine. La brigade est autonome et polyvalente. » Pas une cantine mais pas un restaurant non plus. La différence se joue peut-être sur la personne à la table qu’il ne faut pas oublier, c’est le président de la république. « On ne peut pas lui faire trois fois de suite la même recette ». Dans les diners officiels, « on peut faire un clin d’œil à l’invité sur un plat mais on est là pour faire de la cuisine française ». La gastronomie diplomatique n’a qu’un impératif : « Le protocole français se met en rapport avec le protocole étranger pour avoir les interdits alimentaires ou religieux ».

Présent dans les jurys de nombreux concours, il parle de son expérience de la transmission : « Ça fait partie de notre devoir si on veut trouver des jeunes motivés dans les brigades ». Avant d’ajouter : « Pour moi un chef qui prend pas un peu de temps pour transmettre sa passion ne vit pas son métier pleinement ».

Pour la thématique de la Fête de la Gastronomie, a-t’il un geste en particulier en tête ? : « Le travail du cuisinier au quotidien n’est pas du travail à la chaine, il faut des dizaines de techniques pour assembler un plat ». Une multiplicité que l’on retrouve dans son approche de la gastronomie : « Combien de métiers  acceptent de mettre en avant le travail des autres ? Les beaux produits, le service des maitres d’hôtel, la création de la porcelaine ».

Sans y avoir vraiment réfléchi, Guillaume Gomez pourrait bien passer toute sa carrière ici : « Je fais mon métier comme j’aime le faire et comme je voudrais le faire : on n’a aucune routine, on a une très bonne équipe, une très belle brigade, on travaille avec de beaux produits et on met en avant le terroir français. On a le sentiment ici de travailler pour le prestige de la France. On a la chance de vivre l’histoire au quotidien. »